dimanche 31 mai 2015

L'ART DE DREW STRUZAN (5) : Les affiches refusées

Drew Struzan a pris sa retraite en 2012, dans l'indifférence générale des studios, ce qui n'a pas surpris l'artiste. En effet, son travail ne trouvait plus sa place dans le système hollywoodien de l'affiche de film, qui consistait essentiellement, selon Struzan, à se débarrasser de toute intervention et ambition artistique dans le processus de création des affiches. Pour être clair, cela signifie employer plutôt un petit malin derrière son ordinateur, qui sera beaucoup plus docile qu'un des ces artistes que personne ne comprend. Pour être encore plus clair, cela signifie photoshoper une image plus ou moins explicite du film pour en faire une pseudo-affiche. 
Ci-dessous, un petit aperçu des peintures commandées, payées et jamais utilisées par le studio :

L'affiche refusée de Crocodile Dundee 2 : Paul Hogan trouvait le coucher de soleil trop bleu.
"En Australie", objecta-t-il, "les couchers de soleil sont jaunes." 

L'affiche du premier film Harry Potter (The Philosopher's Stone)
Celle-ci a bien été commandée par Warner, qui avait prévu de demander à Drew Struzan
de réaliser les affiches des films suivants, afi nde leur donner la même cohérence que les Indiana Jones ou les Star Wars.
Malheureusement, le directeur de la publicité de Warner a changé pendant le travail et il a décidé de marquer son nouveau territoire en refusant le concept des affiches cohérentes et en renvoyant Struzan du projet.

C'est celle-ci que personne n'a jamais vue : Drew Struzan s'était préparé à travailler pendant plusieurs années sur Harry Potter et s'était passionné et investi dans le projet. Il n'a pas pu décrocher
et il a peint pour lui-même l'affiche de La chambre des secrets.

C'est avec l'affiche d'Hellboy que Drew Struzan a réalisé que la fin de sa carrière d'artiste approchait.
Son travail était déjà moins demandé, les directeurs artistiques n'étant plus désormais que des financiers élevés à l'informatique, sans la moindre idée, ambition ou perspective artistique.
Si Guillermo Del Toro demande à engager Struzan, c'est parce qu'il est fan de son travail et rêve d'avoir son affiche. Le studio le laisse faire, mais il ignore encore que personne n'a aucune intention d'utiliser l'affiche. Ils cherchent simplement à faire croire le plus longtemps possible à Del Toro, qui travaille pour la première fois pour un grand studio,
qu'il détient un certain pouvoir de décision artistique.
L'affiche ne sera jamais diffusée.

Pour Hellboy 2, Guillermo Del Toro, désormais plus puissant à Hollywood suite au succès du premier Hellboy et du Labyrinthe de Pan, annonce à Drew Struzan qu'il va en peindre l'affiche. Il griffonne pour son ami artiste un dessin sur la nappe en papier du restaurant, et Struzan en réalise une affiche parfaitement fidèle.
L'affiche ne sera jamais, jamais utilisée. Elle est même quasiment impossible à trouver sur Internet. Face à l'incompréhension du réalisateur, Universal va jusqu'à organiser des sondages de rues pour prouver qu'ils ont raison et que Del Toro a tort. Le public désigne évidemment l'affiche de Struzan à chaque fois. C'est pourquoi le studio décide de s'entêter et de ne PAS utiliser l'affiche. Guillermo Del Toro finira par en faire imprimer des grands tirages qu'il présentera au Comic-Con (ce qui, selon Struzan, n'a pas dû manquer d'énerver Universal).
Après ce énième travail maltraité, Drew Struzan, écoeuré, annoncera son départ à la retraite.

Réalisé entre les deux Hellboy, le Labyrinthe de Pan est une nouvelle tentative de Guillermo Del Toro d'obtenir une affiche de Drew Struzan. Tout excité comme d'habitude, le réalisateur discute avec l'artiste,
et ils tombent d'accord sur ce concept de Struzan.
Bien sûr, le studio n'utilisera jamais l'affiche, sinon pour une édition vinyle de la bande originale du film.
Lorsque, à une conférence de presse, un journaliste demande pourquoi le studio n'a pas publié l'affiche, les publicitaires d'Universal repondent que "ça ressemblait trop à une illustration d'art."
"Cette réponse m'a dévasté", confessera Struzan, qui y verra une négation absolue de tout ce qu'il avait toujours cherché à accomplir dans son travail.

Universal avait engagé Struzan pour réaliser les affiches de Waterworld. L'artiste aimait le concept d'un personnage à la fois maître du feu et de l'eau,
apparaissant sur l'affiche entre les deux éléments. Le studio a finalement refusé l'affiche,
avant d'en recycler froidement et maladroitement le concept pour l'affiche définitive.



Une autre affiche pour Waterworld, qui reprend le même concept de maîtrise des deux éléments.



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