LES JUSTICIERS DANS LA VILLE NE RENONCENT JAMAIS
L'INSPECTEUR NE RENONCE JAMAIS, de James Fargo (1976)Troisième épisode de la saga de l'Inspecteur Harry ; le premier (1971), mythique, présentait le personnage aux prises avec un tueur en série monstrueux, le second (1973) remettait à l'heure les pendules du pseudo-fascisme, avec des ennemis flics plus radicaux encore qu'Harry. Ce troisième (1976) a mauvaise réputation, et c'est mérité si on le compare impitoyablement aux deux précédents (et au suivant, en 1983, réalisé par Clint lui-même, la meilleure des suites de la saga), mais c'est exagéré si on le prend juste comme un nouvel épisode de la saga. C'est un vrai film de l'Inspecteur Harry : Clint grimace contre les ronds-de-cuir politisés, fait ses coups d'éclat contre les malfrats minables, se fait suspendre, et enquête en féroce et furieux loup solitaire. Enfin, pas si solitaire, parce que (et c'est la nouveauté de l'épisode) on lui adjoint une femme inspectrice, débutante mais motivée, et certainement pas prétexte romantique à un personnage qui n'en a que faire. Évidemment, Clint ne veut pas d'elle, renâcle, cède à la pression, finalement, au charme très professionnel de la Clintesse, qui en mourra, bien sûr, comme tous les partenaires du maudit flic au magnum 44.
Sans doute moins puissant que les autres épisodes de la saga, "The Enforcer" apporte son lot de poudre, de poursuite, de fun et de tragédie. Tout est bien mené, bien écrit, bien filmé (par James Fargo, ex-assistant réalisateur sur plusieurs films de/avec Clint, à qui celui-ci offre une première opportunité de réalisateur (et sans doute quelques conseils)), sans surprise peut-être, sans controverse sans doute, mais avec sincérité, à défaut de passion.
LE JUSTICIER DANS LA VILLE, de Michael Winner (1974)
Quand je repense à "Un justicier dans la ville", je revois deux moments : d'abord la scène traumatisante de l'agression, dans leur appartement, de Johanna et Carol (l'épouse et la fille de Paul Kersey, le personnage joué par Charles Bronson), filmée caméra à l'épaule, alternant les plans et les vues en montage rapide, nous faisant assister, impuissant, à l'horreur, comme si on était dans la pièce. C'est terrible, c'est sans doute du jamais vu à l'époque (1974, trois ans après le premier Inspecteur Harry), et ça justifie salement la colère et la violence à venir ; ensuite, je repense à Paul, dans le métro, qui se fait agresser à son tour, son journal déchiré par un coup de couteau rageur, et qui descend les malfrats avec son flingue géant, qu'il sort d'on-ne-sait-où sous son manteau. Sauf que, première erreur ; il n'a pas du tout ce flingue démesuré qu'il aura quand il rendra la justice "de minuit" ou quand il "braquera les dealers", mais un petit calibre 32 caché dans sa poche. Et deuxième erreur : même si ces deux scènes existent dans le film, elles sont séparées par la moitié du reste du film, par des scènes déchirantes (Paul rend visite à sa fille catatonique, qu'il relève doucement de son lit d'hôpital pour la serrer dans ses bras), anodines (Paul en Arizona, s'est éloigné de New York et se consacre à son travail d'architecte), amusantes (Paul assiste à un spectacle western), et finalement décisives (Paul, invité bon gré mal gré au stand de tir par son client d'Arizona, redécouvre les armes à feu) et, finalement, essentielles à l'avancée psychologique d'un personnage qui descend armé et décidé dans la rue, au moins autant pour rendre la justice que pour donner rendez-vous à la mort. Car troisième erreur : comme le titre original le dit ("Death Wish", titre à double sens : désir de tuer / désir de mourir), Paul Kersey est autant un cow-boy solitaire qu'un homme désespérément meurtri. Ce que les suites oublieront, créant le malentendu sur ce premier film, tragique et beau comme un dernier souffle.

