vendredi 4 avril 2025

JOUR 3 : SINGLE FEATURE

KING KONG, de John Guillermin

Dans le "King Kong" de 1933, le plus réussi, c'est Kong, marionnette pleine de poésie et de bestialité, et ses combats contre tout ce qui voudrait lui disputer son petit bout de femme : serpent aquatique géant, tyrannosaure, ptérodactyle, et avions de chasse. Mais ce qui ne marche pas, voire n'existe pas, contrairement à ce que prétend la fameuse réplique finale ("No, it was beauty that killed the beast"), c'est le côté "belle et la bête" : Ann Darrow est constamment effrayée par le singe géant, et passe le film à attendre qu'on la sauve, en criant (de fort belle et convaincante façon) au secours, et n'éprouve que soulagement lorsque Kong est capturé, enchaîné puis mitraillé. L'amour du primate est irrémédiablement unilatéral, faisant du film une sorte de #metoo poilu et dégénéré.

Tout le contraire de la version de 1976, dans laquelle tout marche bien, sauf...Kong ! Les motivations pétrolières, l'île mystérieuse (qui sera aussi quinze ans plus tard Isla Nublar), la coolitude de Jeff Bridges (paléontologue de choc, et non plus marin empoté), le charme érotique assumé de Jessica Lange (dans son premier rôle au cinéma, après une première carrière de mannequin), le dangereux ridicule de Charles Grodin (le futur Duke de "Midnight Run"), les dialogues écrits avec talent et intelligence, bref, de quoi faire un bon fil d'aventures, sexy et rythmé. Mais, alors qu'il est annoncé, pendant une campagne promotionnelle totalement mensongère, comme un gorille-robot géant parfaitement articulé et plus vrai que nature, Kong est en réalité pendant tout le film un... homme déguisé ! Mais heureusement, l'homme en question n'est autre que Rick Baker, créateur d'effets spéciaux et maquilleur de génie (il sera bientôt l'artisan oscarisé de "Le loup-garou de Londres", "Thriller", "Wolf"...), qui débute quasiment ici sa carrière et son histoire d'amour avec les monstres poilus (suivront "Greystoke", "Gorilles dans la brume", "Bigfoot et les Henderson", "La planète des singes"...). Et ouf, parce que le fameux singe géant mécanique, on l'apercevra tout juste quelques secondes déjà bien embarrassantes, et re-ouf, parce que le costume du film est très réussi, même s'il ne parvient évidemment jamais à faire oublier que ce n'est qu'un costume. Le reste des effets spéciaux (essentiellement constitués de nombreuses et impressionnantes miniatures) tient plutôt bien la route, et la relation "belle et la bête" est cette fois-ci sincère et touchante (les scènes du voyage vers New York, dans lesquelles Kong, enfermé dans un réservoir géant du pétrolier, réalise la vanité de son amour, sont déchirantes, et sont probablement les plus belles images de tous les films de Kong), et inspirera certainement Peter Jackson pour sa version de 2005.


Un bon film d'aventures, avec beaucoup de bons moments et quelques ratages, mais qui ne mérite pas sa réputation désastreuse, essentiellement due à la colère et à la frustration de ne pas voir le film annoncé par l'affiche :


La phrase d'accroche prête déjà à sourire (ou agace, c'est selon) : "original", alors que c'est un remake, et "most exciting event of all time", c'est vendre la peau du singe géant avant de l'avoir construit. Mais ce slogan a une authentique valeur historique : il invente le concept de blockbuster.
La peinture en elle-même (réalisée par John Berkey, qui n'a vu aucune image du film, et qui se base donc sur ce que lui en a dit le producteur mégalomane Dino de Laurentiis) est fabuleuse : Kong, dans une posture triomphante, quasi-invulnérable entre les deux tours jumelles (à la place de l'Empire State Building, qu'on aperçoit quand même en arrière-plan). Le climax du film a bien lieu au sommet du World Trade Center, excellente nouvelle idée du film, mais les deux tours sont séparées de 60 mètres, quand Kong ne mesure "que" 18 mètres de haut. Et dans le film, Kong va sauter d'une tour à l'autre, dans un bond désespéré formidable (mais un plan assez raté), quand il lui suffirait de faire un pas de côté sur l'affiche.

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