Même file d'attente que les autres jours, mais cette fois, on a pris une (vraiment très) bonne marge, puisqu'on arrive aux portes de la cathédrale à... 15h00! Ce qui laisse le temps d'aller une dernière fois au Market pour voir ce qu'ils ont... comme patchs, bien sûr!
Chez un vendeur spécialisé au langage non identifié (du hollandais, pense Fabrice), je suis tenté par un Def Leppard, un Mötley Crüe, un Nightwish, mais le vendeur prend un temps fou à servir la fille devant moi, tout occupé qu'il est à farfouiller dans ses stocks d'une main et tripoter les fesses de sa nana de l'autre, tout en baragouinant des trucs incompréhensibles (et probablement cochons, à en juger par les gloussements/yeux-au-ciel de sa partenaire).
Je finis par rendre les armes et je décide de revenir plus tard.
Ce que je ne ferai pas, puisque je trouve encore mieux plus loin : deux badges metal en métal (ah ah), un Twisted Sister, et surtout, un Savatage, pour lequel le vendeur s'enverra à lui-même un "Oh, putain!" admiratif, tout épaté de disposer d'un tel joyau à vendre. Une petite conversation ensemble plus tard, qui nous emmènera jusqu'au Wacken 2015 qui a vu la réunion déjà historique du 'Tage et de TSO sur une même scène (Non, connard, j'y étais pas), on retrouve Yves-Marie pour Blind Guardian, que je vais enfin voir, et pour la première fois (difficile désormais d'avoir des premières fois au Hellfest, tant les affiches commencent à se ressembler d'année en année).
Une bonne foule, pas très dense, mais de connaisseurs, comme on le verra plus tard, nous permet de bien nous placer devant la scène décorée d'un backdrop aux couleurs fantasy du dernier album mais sans nom de groupe, preuve que Blind Guardian fait une confiance totale à sa musique pour convaincre (et attirer les curieux, nerf de la guerre des festivals). Cette impression d'assurance et de sagesse est confirmée par les jeans/chemises, noirs et sobres, des deux guitaristes Siepen & Olbrich (le batteur Frederik Ehmke est hors concours, il est torse poil!) qui entrent en scène sur l'intro, majestueuse et menaçante comme une cathédrale, de "The Ninth Wave", le morceau de bravoure qui ouvre déjà le dernier album Beyond The Red Mirror. Les chœurs d'église ("Discordia, discordia"), probablement samplés, sont quand même doublés par les deux guitaristes pour un effet très réussi, avant l'arrivée de Hansi Kürsch, même jean/chemise noirs que ses acolytes, qui lance véritablement les hostilités avec cette voix si caractéristique, aussi inimitable sur scène que sur disque.
Et c'est parti pour une heure de power metal médiéval sophistiqué (disons PMMS pour simplifier ;), avec une setlist très bien balancée, entre nouveauté ("Prophecy"), surprise ("Script For My Requiem") et grand classique - "The Bard's Song", pour laquelle le chanteur demande à tous de s'asseoir comme pour une réunion mystique, et, les con(naisseur)s osent tout, c'est même à ça qu'on les reconnaît, ils le font! Ou, plus exactement, à un moment donné du morceau, comme un signal tacite et connu de tous (sauf des ploucs comme nous, qui ne sommes finalement pas des connaisseurs), font mine de s'asseoir et se redressent lentement en une prière collective digne d'une secte (et qui nous changent agréablement des furieux wall of death à la Bravehart).
Rien à dire, ces mecs assurent comme des Dunedains.
Changement de scène pour attendre MegaDave et sa bande de mercenaires thrashers, qui vont "vendre la paix" à 20h45 (mais personne n'achètera!).
Mais en attendant, après les tauliers de Slayer (cinquième participation au Hellfest, quand même), ce sont les Vikings impitoyables d'Amon Amarth qui prennent d'assaut la mainstage voisine, et les magnifiques éléments de décor (deux proues de drakkar en forme de dragon) ne peuvent pas faire oublier que la musique de ces braves barbus est indigeste comme un tonneau d'hydromel frelaté. Dommage, parce que ces ours hirsutes sont plutôt sympathiques, dans un genre troll ensorcelé de Lanfeust de Troy ;)
On en profite donc pour jouer à notre jeu de patience préféré : le jeu des 20 questions spécial groupes de metal. Le principe : je pense à un groupe, tu cherches à le deviner en ne posant que des questions oui/non. Le plus tordant étant évidemment de dégotter les groupes les plus farfelus, les plus obscurs, les plus ridicules, les plus inattendus, les plus débiles. Sachant qu'il faut jouer avec des gestes, puisque les grosses brutes poilues d'Amon Amarth ne laissent pas de place au son. Mention spéciale à la devinette Trans-Siberian Orchestra, groupe de christmas metal, une dizaine de chanteurs, un narrateur, deux violonistes électriques, deux ou trois pianistes, autant de guitaristes, plus les frais : à la question, "Est-ce qu'ils sont cinq (Def Leppard?) ? Quatre (Mötley Crüe?) ? Six (Iron Maiden?) ? Trois (WASP?) ? Un (Alice Cooper?) Huit (Guns N' Roses?)", on se marre comme jamais quand on arrive à vingt-cinq ! Fabrice ne joue pas, et finira même totalement désœuvré, couché dans l'herbe au milieu des rangers poussiéreuses et des mollets en bas résille. Pas facile, c'est sûr, de participer à un jeu Mahie/MatFall mille fois joué, truffé de private jokes et de fous-rires vieux de vingt ans, toujours en attente d'exploser.
On finit littéralement plié en deux, les larmes aux yeux, les abdos qui crient grâce, on n'arrive même plus à enchaîner, le moindre mot nous relance, même Metallica nous ferait marrer (et pourtant, c'est pas des rigolos, pardon, Anne).
On en pleure encore quand Megadeth déboule, pour un "Hangar 18" furieux. Pas de single à la con avec Dave Mustaine, même avec un nouvel album dans l'ampli (dont il jouera quatre titres quand même, on n'oublie pas le business), on attaque en force, sans faire de prisonniers, avec un titre de 1990, qui n'a pas pris une ride.
Mes yeux sont rivés sur le "nouveau", dont l'arrivée a fait beaucoup parler, tant son univers semblait éloigné du thrash tourmenté de Megadeth. En effet, à la deuxième guitare (c'est Mustaine qui tient la première, sa célèbre Dean, aujourd'hui aux couleurs de "Rust In Peace"), c'est le beau gosse Kiko Loureiro, fondateur et (toujours) guitariste d'Angra, dans lequel il envoie des volées de speed mélodique, et non des bûches de thrash. Même si je n'étais pas vraiment inquiet, tant il assure à la maison, je suis quand même ravi de voir qu'il est à sa place, à l'aise. et pas du tout sur la réserve aux côtés du frontman roux et caractériel (mais c'est vrai qu'il est dans le groupe depuis déjà un an et qu'il a participé à l'enregistrement du dernier album).
Une rareté dès le troisième titre, un "Tornado Of Souls" dédié au batteur Nick Menza, décédé sur scène quelques semaines plus tôt, et un "She-Wolf" destructeur (ma chanson préférée de Megadeth) aussitôt après. Pas de doute, ça va chauffer !
Si Mustaine a pris un coup de vieux et a l'air moins content d'être là que la dernière fois (en 2012), on s'en fout, les classiques ne manquent pas, du bien lourd "Sweating Bullets" au culte "A Tout le Monde", qui fait cette fois encore des ravages sur le sol français. Des surprises, aussi, comme à chaque fois (en 2012, c'était un "Angry Again" des enfers qui nous avait scotchés) : là, on a droit à un "Trust" toujours un peu controversé, mais qui séduit Fabrice (qui n'en revient pas lui-même ;), et à un "Symphony Of Destruction" dévastateur. Mais c'est évidemment l'intro légendaire de "Peace Sells" qui met tout le monde d'accord : un véritable cri de guerre accueille la ligne de basse la plus connue du metal (ce qui doit faire enrager Steve Harris, non ?), jusqu'à ce que les fougueux "Peace sells/But who's buyin'", martelés par une foule conquise, deviennent l'hymne de ce dernier jour (ce qui va faire enrager Ozzy Osbourne, non ?)
On reste en place pour attendre Black Sabbath, que perso, j'avais un peu l'intention de regarder de loin, mais sans quitter le site non plus, pour laisser Fabrice communier dans sa messe noire avec les Papys du Metal. Finalement, je reste, en grande partie pour rendre à Fabrice l'effort qu'il a fourni en suivant Megadeth jusqu'au bout (ce qu'il a fait sans déplaisir, alors qu'il s'attendait à détester comme en 2012, quand le son dégueulasse qui empêchait de reconnaître les morceaux et le temps dégueulasse qui empêchait de profiter du spectacle, avaient eu raison de lui).
Mais avant Ozzy et sa bande, c'est Ghost qui prend possession de l'autre mainstage, tout auréolé (ah ah, encore) de son incroyable succès en 2013, où il avait été propulsé en dernière tête d'affiche mainstage (pour remplacer Danzig qui était allé jusqu'au bout de sa réputation de gros con, en exigeant de jouer plutôt sous la Valley) et avait laissé tout le monde (dont pas moi, je n'y étais pas) sur le cul bénit.
On est donc tous là, cette fois, y compris les fans du Sabbath qui gardent les positions mais ne perdront pas une miette de l'autre messe de la soirée.
L'étrange musique de Ghost, sorte de rencontre d'outre-tombe (mais pas si improbable) entre David Bowie et Rammstein, est inclassable mais ne manque pas de charme, avec ses mélopées envoûtantes très seventies, ses riffs majestueux, ses éclairages clair-obscurs d'église, ses solos lumineux, pour une ambiance de noir recueillement, entretenue par le maître de cérémonie Papa Emeritus III, impérial de grâce loufoque et de bienveillance perverse, professant aussi dignement la jouissance mutuelle ("Come Together") que la communion avec des nonnes innocentes (les fameuses "Sisters Of Sin", avant "Body & Blood").
Le show se termine par un (et finalement deux) coup de maître : le chœur d'enfants, d'abord, que nous attendons tous, puisque Ghost a créé l'événement en demandant aux organisateurs de "recruter" une chorale locale pour les accompagner sur "Monstrance Clock". C'est donc les kids de l'école de musique Artissimo de la Vallée de Clisson, soit vingt-cinq enfants de 11 à 13 ans, qui apparaissent sur scène pour le final et qui auront bien mérité leur T-shirt HellFest Crew avant d'aller au lit. Alors, ça peut faire sourire, ou même grincer des dents (ou faire hurler d'horreur Provocs-Hellfest-ça-suffit), mais perso, je trouve que ça a bien pris, d'autant que le feu d'artifice (deuxième coup de maître) qui me prend complètement par surprise, vient confirmer cette impression de plénitude rock 'n roll, et empêchent les questions d'adulte responsable (mais qu'est-ce que ces gosses font là, à cette heure-ci, à chanter la jouissance partagée pour le fis de Lucifer?) de trouver dans ma tête leur voie... impénétrable, évidemment.
A voir, pour se faire une idée, en vidéo officielle (clic sur l'image) :
Après cette grand messe parfaitement maîtrisée et délivrée, les vétérans de Black Sabbath n'ont qu'à bien se tenir à leur déambulateur. Parce qu'il va falloir sans doute plus que leur légende pour convaincre.
Convaincre ?
Tu parles.
Quand Tony Iommi, croix en pendentif, petites lunettes colorées, bouc de mousquetaire au menton, fait sonner sa Gibson SG de gaucher, qu'on aime ou pas, on est obligé de la fermer : ce type est un monument. Alors, bon, Ozzy commence un peu dans la choucroute, en chantant "Black Sabbath" qu'à moitié juste (même pour moi, qui ne connaît pas le morceau), mais il se recale petit à petit en cours de set pour finir, eh bien, pas si mal que ça. J'ai même lu un chroniqueur affirmer qu'il n'avait plus entendu Ozzy chanter aussi bien depuis longtemps. Un bon soir pour les futurs retraités, donc. Et, d'après Fabrice et Yves-Marie, une bonne setlist, qui se termine bien sûr par le mythique "Paranoid", bienvenu, mais qui rate le titre d'hymne de cette dernière journée, trop contesté par les pointures, plus en forme, qui l'ont enflammée.
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