TRIPLE FEATURE "Coups de poings dans la gueule dans une Amérique
de merde"
1) Le bagarreur (Hard Times), de Walter
Hill
Ambiance "Rocky pendant la Grande Dépression",
avec les deux mercenaires et grands évadés Bronson & Coburn,
dans ce qu'ils savent faire de mieux : le taiseux et la grande
gueule, la brute minérale au visage escarpé et le roublard au
sourire enjôleur, le vieux tigre et le grand singe. Et au milieu,
Jill Ireland, touchante de faux espoirs et de mauvaise vie, belle
comme une femme perdue. Le titre français fait croire à un film de
baston, c'est finalement un film de combat contre la vie qui tabasse,
et sur des types qui cherchent seulement à rester debout un peu plus
longtemps.
2) Invasion Los Angeles (They Live), de John
Carpenter
Un pitch ultra simple et efficace, carpenterien en
diable : les riches et les puissants sont en réalité des aliens qui
abreuvent les humains de messages subliminaux d'obéissance et de
consommation via la télévision ; un petit groupe de résistants, en
mode "V", a inventé des lunettes de soleil qui permet de
les démasquer : il va s’agir de les révéler au reste de
l'humanité ; ce que va s'employer à faire notre héros, joué
par le catcheur Roddy Piper, étonnamment convaincant en chômeur
chemise à carreaux et nuque longue, aussi crédible en brute sympa
dépassée par les événements qu'en improbable sauveur de
l’humanité.
Les rues de L.A.
sont dégueulasses, les boulots sont merdiques, les héros vivent
dans des bidonvilles, les riches et les puissants sont des
extra-terrestres ou des vendus : l’Amérique de Reagan selon
Carpenter, où, pour avoir l’aide d’un copain, il faut d’abord
lui casser la gueule dans une bagarre d’anthologie, pour le
convaincre de mettre les putains de lunettes de vérité.
3) Sur les quais (On
The Waterfront), d’Elia Kazan
Et si Rocky Balboa
avait continué à faire le collecteur de dette pour Tony Gazzo, le
caïd local ? S’il n’avait pas été choisi comme challenger
par Apollo Creed ? S’il n’avait pas récupéré son casier
au gymnase de Mickey ? En gros, s’il était resté coincé
dans la première scène du film dans son appartement minable, devant
son reflet, honteux sous le regard du jeune garçon souriant, plein
d’espoir et de rêves qu’il était sur la photo accrochée au
miroir.
Voilà ce qui se
serait certainement passé : il aurait fini par ne plus
supporter de bousculer les copains en galère pour le compte d’un
petit truand, il aurait regretté d’avoir gâché ses jeunes années
de boxeur prometteur, il aurait eu honte de s’être couché une
fois de trop dans un combat truqué, et, avec Adrian comme phare dans
sa nuit, il se serait dressé, seul contre tous, pour mettre fin au
racket organisé, ramener un peu de justice dans le quartier et se
prouver enfin à lui-même, que non, « he’s not a bum ».
Après une raclée en règle, dont il se relèvera plus grand.
Ce film existe,
c’est « Sur les quais », avec Marlon Brando dans le
rôle de Terry Malloy, animal blessé et encombré de son corps qui
ne bouge plus assez, modèle évident et assumé de Sylvester
Stallone.