Comment un album pareil a-t-il pu m'échapper pendant toutes ces années ? Bien sûr, je connais W.A.S.P. de nom (et de vue : les pommettes, les bottes à franges et la B.C. Rich Warlock de Blackie Lawless avaient depuis longtemps marqué mon imaginaire de rocker prépubère), j'ai entraperçu quelques singles (le classique "L.O.V.E. Machine"), mais, sans remords ni rancune, la vraie rencontre n'avait jamais eu lieu.
Pourtant, à sa sortie en 1992, ce Crimson Idol m'avait attiré comme le chant d'une sirène satanique : j'étais fou (et je le suis toujours, même si plus raisonnablement) de son genre de rock opera, dont l'ensemble des titres déroule une histoire cohérente.
Dans le cas de Crimson Idol, la réussite ne vient pas tant de son sujet, plutôt très classique (un musicien surdoué et sociopathe en quête désespérée et insatiable d'une gloire autodestructrice) et finalement très similaire à nombre d'oeuvres rock aussi abouties (The Wall de Pink Floyd, Streets de Savatage, et surtout la trilogie du Scarecrow de Tobias Sammet).
Mais c'est surtout à un petit frère de Tommy que The Crimson Idol ressemble le plus (Pete Townshend est d'ailleurs remercié dans le livret pour l'inspiration et les encouragements à aller jusqu'au bout du projet) : personnages déjantés (The Gypsy Queen, qui, à défaut de dépuceler le héros, lui tire les cartes ; le producteur "Chainsaw" Charlie, une sorte d'Uncle Ernie qui aurait pris la tête d'une major compagny ; Jonathan lui-même, The Invisible Boy, que la mort tragique de son frère aîné fait disparaître aux yeux et au coeur de ses parents inconsolables de la perte du fils préféré), obsession du miroir comme alter ego schizophrénique, thème musical récurrent et réorchestré tout au long du disque (le déchirant "Love Set Me Free", qui rappelle immanquablement le "See Me, Feel Me" de Tommy à son père), et même, un "Welcome To The Show" adressé par le héros à ses idolâtres, qui ouvre le long titre de conclusion.
Artisan quasi unique de ce grand oeuvre (il en assure l’écriture, la production, les guitares, la basse, les claviers et toutes les voix), Blackie Lawless investit chaque note, chaque mot, chaque personnage d'une sincérité rageuse et habitée, comme si sa vie en dépendait.
Et puis enfin, surtout, il y a cette voix : tour à tour âpre, profonde, possédée, rugissante, mélancolique, hurleuse, suppliante, tourmentée, viscérale, c'est elle qui transfigure cet album essentiel et le rend définitivement inoubliable.
En bonus, un fond d'écran Phantom Of The Paradise/W.A.S.P. (1280 x 692) :
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