dimanche 3 novembre 2024

LETTRE À DANY

Cher Dany,

Avant que les tristes sires bien-pensants qui censurent en croyant changer le monde ne vous frappent à nouveau, je voudrais vous dire merci :
Merci pour Colombe, sa petite robe si merveilleusement courte et décolletée, et son charme délicatement érotique, qu'il faudra bientôt juger inacceptable;
Merci pour Dereck, héros durs-à-cuire et viril, qu'il faudra bientôt juger réactionnaire;
Merci pour Kesina, sensuelle, courageuse et lucide dans cette Afrique post-coloniale vénéneuse et corrompue, qu'il faudra bientôt juger raciste;
Merci pour James, à jamais seul dans sa forêt hostile, avec son amour inespéré et son héroïsme désuet, qu'il faudra bientôt juger ridicule ;
Merci pour Kay McCloud, agent de (pare-)choc, que j'ai adoré reconnaître et retrouver dans "Spirou et la gorgone bleue", qu'on a donc déjà jugée anti-féministe.
Merci de m'avoir fait rire, grandir, rêver, fantasmer.
Merci pour toujours, et pardon pour cette époque rigoriste et frigide, dans laquelle je me reconnais chaque jour un peu moins.

lundi 28 octobre 2024

UN ROMAN, UNE BD, UN FILM : Poussière, misère et espoir

Après "Revoir Comanche", un autre concept film/lecture dans la poussière, la misère et ce satané espoir qui fait tenir debout, jusqu'au bout.
Dans "Jours de sable", un jeune photographe en quête de clichés sincères et émouvants pour témoigner de la pauvreté et de la détresse des populations balayées par les vents secs, chauds et poussièreux du Dust Bowl, chavire bientôt devant la dignité et le courage de ces laissés-pour-comptes.
Dans "Honkytonk Man", un road movie picaresque et touchant, le chanteur de country Red Stovall a enfin le ticket pour cette audition à Memphis, Tennessee qu'il a attendu toute sa vie. Il prend avec lui son neveu de quinze ans, comme assistant, chauffeur et finalement héritier de sa mémoire, et va courir après les jours que lui laissera la tuberculose qui le ronge, jusqu'à son ultime tour de chant.
Dans "Du sang dans la poussière", la Grande Dépression, un mari violent et un ouragan ont laissé Sunset, rousse incendiaire fatiguée d'être victime, seule, déterminée et enfin armée. Comédie déjantée, post-western pré-féministe, et chronique tragi-comique, entre Elmore Leonard et John Steinbeck.

mercredi 16 octobre 2024

Une BD, un disque, un film : le bout de la piste

Les vielles légendes ne meurent jamais, mais elles n'ont parfois plus envie de vivre. 
Red Dust, autrefois mercenaire, rancher et shérif, veut oublier qui il a été.
Crépuscule d'un homme de mort et de sang, et épitaphe d'une époque qui lui ressemblait, "Revoir Comanche" est un sublime roman graphique désenchanté.
Entre "Impitoyable" de Clint Eastwood et "Les raisins de la colère" de John Steinbeck, c'est la fin d'une époque, qui sentait la poudre et le sang, et le début d'une nouvelle ère de pétrole et de dépression.

Pour accompagner la lecture, je mets sur la platine le triple vinyle "The Promise" de Bruce Springsteen, dont la pochette rappelle les photographies de Dorothea Lange sur les migrants du Dust Bowl pendant la Grande Dépression : les lieux et l'époque de "Revoir Comanche". Et cette route, qui semble à la fois infinie et plonger dans les ténèbres, est une métaphore crépusculaire du parcours de Red Dust, légende fugitive et fantôme du passé.
Les chansons, tour à tour mélancoliques, fougueuses ou déchirantes, entre espoirs déçus et promesses non tenues, l'accompagnent jusqu'au bout de sa piste.

En épilogue, je regarde "Le dernier des géants", dernier western et dernier film de John Wayne, qui joue ici quasiment son propre rôle de légende mourante, arrivé lui aussi au bout de sa piste et prêt à partir dans un dernier coup de feu / d'éclat. Touchant, tragique et testamentaire, c'est un film imparfait mais inoubliable.

dimanche 13 octobre 2024

UN ROMAN, UN DISQUE : Extra-terrestres et humanité

Deux extra-terrestres, venus d'une planète aqueuse sous forme de graines, s'implantent dans le sol rouge et aride de l'Australie. Au XVIe siècle, après cing cents ans d'observation de l'environnement et de recueils de données scientifiques, ils prennent forme humaine aborigène. L'un devenant l'homme Minga, l'autre la femme Bimbarlulu, investis d'une mission secrète pour leur planète et détenteurs de pouvoirs incommensurables de destruction et de guérison, ils prennent contact avec le clan aborigène voisin.
Véritable déclaration d'amour à la civilisation aborigène et cri de colère face à son annihilation par les Blancs, "La terre rouge a bu le sang" est un fabuleux roman de science fiction humaniste, une ode à la nature nourricière, farouche et implacable, belle et effrayante comme une divinité blessée.
Pour accompagner la lecture, je choisis "The Source", l'album concept d'Ayreon, qui raconte, en une centaine de minutes de métal progressif, l'histoire exactement inverse, à la fois suite et retour aux sources du roman de Jean-François Chabas :

La Terre est mourante, violentée par la pollution et l'ultra-technologie. L'intelligence artificielle mondiale qui contrôle tout, des communications aux ressources, programme l'extinction de l'humanité, solution inévitable et évidente à la survie de la planète. Une poignée d'humains, choisis pour leur compétence et leur talent, s'échappent dans un vaisseau spatial, pour tout recommencer sur une planète aqueuse. Ils devront se transformer, en se soumettant à "la source", qui les changera en humains aquatiques. 

jeudi 3 octobre 2024

UN ROMAN, UNE B.O. : Stranger Friendships

Des mystérieuses fresques ouvrant sur une dimension alternative cauchemardesque ; une araignée géante capturant des femmes enceintes depuis la nuit des temps ; un groupe de trois amis, dissemblables et inséparables depuis l'enfance, lancés à la recherche de leur amie d'autrefois, disparue dans la fresque du mur de sa chambre.
Un fabuleux roman graphique, par les auteurs de "La Brigade Chimérique : Ultime renaissance", certainement le chef-d'œuvre BD adulte de cette fin d'année.
Pour en accompagner la lecture, la bande originale de "Stranger Things", série aux thèmes similaires : amitié, amour, fantastique, créatures, portail interdimensionnel, effroi, courage, sacrifice.
En bonus, pour les connaisseurs, une apparition d'Andy Sipowicz de "NYPD Blue" et du Lee Van Cleef de "New York 1997", pour illustrer le mélange de polar tendu et de suspense horrifique (l'ambiance rappelant aussi "The Fog", du même John Carpenter) du périple de ces "Navigateurs".


mercredi 2 octobre 2024

Une BD, une BO : réalité rêvée

Dans "Mitsuo", de Jérôme Hamon et Gijé, le petit Sasha, convaincu d'incarner son héros de BD et de vivre dans son univers de Space opera, a perdu tout contact avec sa réalité, son monde, ses parents. Jusqu'au jour où sa mère, désemparée, entrevoit soudain des images de son vaisseau et de sa galaxie. Elle décide alors de jouer le jeu, prétend être mécanicien ne de l'espace et parle enfin à Sasha.
Sublime dans sa mise en scène et en images, d'une folle puissance narrative et émotionnelle, "Mitsuo" est un pur chef d'œuvre, que j'ai reçu en plein cœur, et pour longtemps.
J'accompagne la lecture par la bande originale du chef d'œuvre de Zack Snyder, "Sucker Punch", aux thèmes similaires : une jeune fille cherche à échapper à l'horreur de sa vraie vie (deuil, violence, culpabilité jusqu'à l'internement psychiatrique abusif) en s'abîmant dans un monde fantasmagorique dans lequel elle est une guerrière presque divine, presque invincible, mi-samouraï, mi-gunslinger.
Dans la bande originale, des classiques du rock (Pixies, Jefferson Airplane, Eurythmics...) revisités, réorchestrés, suckerpunchisés.

mardi 6 août 2024

FILMS DE LA SEMAINE

De bas et haut
Space opera tragi-comique, neo-western Sheridan, drame gangster, western iconoclaste, western classique, film noir dans la chaleur du Mexique, polar à la française à Los Angeles, drame jazz et drogue, suspense de guerre froide.

samedi 11 mai 2024

DOUBLE FEATURE MOVIE NIGHT : This is my quest

 

Deux récits de quête magique, mortelle et intime, et deux réflexions bouleversantes sur le pouvoir et l'amour, sur le sacrifice et le pardon, en performance capture pour Robert Zemeckis et en motion capture pour Travis Knight.

mardi 19 mars 2024

DERNIÈRE IMAGE (2)


"Who's afraid of Virginia Woolf?"
"I am", répond Martha, enfin apaisée, résignée et peut-être sauvée, dans l'ultime moment du film bouleversant et éprouvant de Mike Nichols.
D'abord repoussante de vulgarité et de rouerie, Elizabeth Taylor, impériale et pathétique, laisse peu à peu affleurer sa détresse et son mal-être, tout en mettant impitoyablement en pièces quiconque le remarque.
Jusqu'à cet instant sublime, où le couple fracassé Burton/Taylor ne fait enfin plus qu'un.