TRIPLE FEATURE : Métamorphoses féminines fantastiques et tragiques
THE SUBSTANCE, de Coralie Fargeat (2023)
Il y a d'abord la promesse d'un spectacle visuel fascinant et délirant — mais aussi potentiellement malaisant —, avec cette affiche en gros plan sur un iris oculaire dédoublé ou cette autre sur un corps moribond grossièrement couturé : c'est fabuleux et dérangeant à la fois, comme une créature féérique dégénérée ou une fiancée de Frankenstein abandonnée.
Il y a ensuite le plaisir de revoir enfin Demi Moore, dont on est amoureux depuis "Ghost" (1990), mais qu'on avait un peu perdue de vue depuis la tête rasée et les biceps saillants de "G.I. Jane" (1997) ; un plaisir cependant teinté d'une certaine gêne, puisqu'on sait que la belle s'est empêchée de vieillir, de coups de bistouri, dans le visage et les seins, en cures successives d'amour éperdu de jeunes hommes émerveillés (Ashton Kutcher avait douze ans quand "Ghost" est sorti). Qu'à cela ne tienne, c'est justement de cette image que l'actrice va bravement jouer, jusqu'à l'horreur la plus insupportablement écœurante, pour dire combien le regard des autres est la blessure la plus profonde et avilissante qu'on puisse subir.
Car c'est bien d'horreur qu'il va être question ici : l'horreur de son corps qu'on observe, qu'on scrute, qu'on juge jusqu'à la détestation, l'horreur de son corps qu'on perfectionne jusqu'à l'autodestruction, l'horreur de son corps qu'on maltraite, qu'on rejette, qu'on triture, qu'on saccage, pour le prix dérisoire d'une admiration éphémère et pour le bonheur vain d'être la plus belle en ce royaume.
Et quand sa monstruosité devient telle qu'elle en est presque irregardable, c'est dans un murmure déchirant qu'Elisabeth Sparkle, ex-Blanche-Neige devenue vieille sorcière tordue, puis créature difforme cauchemardesque, supplie :
"I'm still here".
Une allégorie folle et furieuse du respect de soi et de son intégrité morale et physique, une critique fulgurante du star-system et du male gaze, entre horreur organique et féminisme hardcore, entre thriller et conte de fées, entre David Lynch et les frères Grimm, entre "La mouche"et "Showgirls".
"REMEMBER : YOU ARE ONE." "Vous ne faîtes qu'une", mais aussi "Vous êtes unique".
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire