1) "Conan le barbare", de John Milius
Conan le barbare porte avec lui deux réputations antagonistes :
celle d'un film de brute décérébrée, et celle d'un monument de l'heroic
fantasy au cinéma. Alors, qui a raison ?
Eh bien, tout le monde !
On
ne peut en vouloir à personne de ne voir dans cette succession
d'affrontements sanglants, de regards menaçants, de biceps saillants, de
fracas d'épées, qu'une galerie un peu vaine de combats de barbares
déchaînés.
Pourtant, au-delà de tous ces aspects (réels (et réussis!)) du film, s'en cache un autre, ambitieux et maîtrisé.
Dès les premières minutes, c'est la fabuleuse musique de Basil Pouledouris, très inspirée des
Carmina Burana
de Carl Orff, qui nous cloue au fauteuil : épique et majestueuse, elle
apporte au film la flamboyance des chefs d’œuvre. Les dialogues, qu'on
attendait lourdauds et prévisibles, se teintent volontiers de noire
poésie, dans les passions et dans les morts ("Let me breathe my last
breath into your mouth"), dans les prières et dans les menaces ("When I
am gone, you will have never been."). Les seconds rôles, forcément moins
musculeux et moins mythiques que le héros légendaire, sont remarquables
: James Earl Jones, dans le rôle casse-gueule du
méchant-qui-rigole-pas-et-qui-se-transforme-en-serpent-géant-si-on-l'emmerde,
est tellement bluffant de sérieux et d'intensité qu'on en oublie de le
trouver
too much, et Sandahl Bergman est merveilleuse en voleuse
badass amoureuse
jusqu'au sacrifice. Enfin, et surtout, comment ne pas admirer la
présence ahurissante d'Arnold Schwarzenegger, véritable bête humaine, au
jeu bien plus subtil qu'il n'y paraît. À condition, encore une fois, de
bien vouloir le voir.
2) "Cowboys & Aliens", de Jon Favreau

Sur le papier, ça peut faire marrer : un western dans les règles de
l'art, à la limite du cliché, cowboy mutique et minéral, outlaws
crasseux et patibulaires, propriétaire terrien irascible et richissime, tenancier de
saloon timoré et nul au tir, Indiens fiers et courageux, prostituée
mystérieuse au grand cœur ; mais aussi des aliens terrifiants, machines à
tuer dégoulinantes et quasi invincibles, à la puissance de feu et de
rage hallucinantes. Ridicule ?
Tu parles.
Cowboys & Aliens est le meilleur
space opera jamais vu - sauf que l'espace, ici, c'est le Texas.
3) "Les dents de la mer", de Steven Spielberg

Comment c'est possible que je continue à avoir les jetons dans mon
canapé bien au sec, alors que je connais par cœur quasiment chaque plan,
chaque mot de dialogue, chaque note de la bande originale ? Sûrement
parce que c'est le meilleur film de monstre de l'histoire du cinéma ! Et
pourtant il y en a des bons !
Le moment le plus flippant ? Quand
Quint, qui a jusque là affiché son arrogance et sa suffisance, persuadé
malgré les difficultés d'accrocher finalement la mâchoire de ce requin
géant à son tableau de chasse, et qui vient de balancer, encore sûr de
lui pour quelques instants, qu'"il ne peut pas pas plonger, pas avec
trois tonneaux sur le dos", voit disparaître la bête sous les flots. Son
regard incrédule en dit long : il est temps d'avoir vraiment peur, on
va tous y rester. Et ça, les effets spéciaux ne le remplaceront jamais.