KING KONG, de John Guillermin
Dans le "King Kong" de 1933, le plus réussi, c'est Kong, marionnette pleine de poésie et de bestialité, et ses combats contre tout ce qui voudrait lui disputer son petit bout de femme : serpent aquatique géant, tyrannosaure, ptérodactyle, et avions de chasse. Mais ce qui ne marche pas, voire n'existe pas, contrairement à ce que prétend la fameuse réplique finale ("No, it was beauty that killed the beast"), c'est le côté "belle et la bête" : Ann Darrow est constamment effrayée par le singe géant, et passe le film à attendre qu'on la sauve, en criant (de fort belle et convaincante façon) au secours, et n'éprouve que soulagement lorsque Kong est capturé, enchaîné puis mitraillé. L'amour du primate est irrémédiablement unilatéral, faisant du film une sorte de #metoo poilu et dégénéré.Un bon film d'aventures, avec beaucoup de bons moments et quelques ratages, mais qui ne mérite pas sa réputation désastreuse, essentiellement due à la colère et à la frustration de ne pas voir le film annoncé par l'affiche :
La phrase d'accroche prête déjà à sourire (ou agace, c'est selon) : "original", alors que c'est un remake, et "most exciting event of all time", c'est vendre la peau du singe géant avant de l'avoir construit. Mais ce slogan a une authentique valeur historique : il invente le concept de blockbuster.
La peinture en elle-même (réalisée par John Berkey, qui n'a vu aucune image du film, et qui se base donc sur ce que lui en a dit le producteur mégalomane Dino de Laurentiis) est fabuleuse : Kong, dans une posture triomphante, quasi-invulnérable entre les deux tours jumelles (à la place de l'Empire State Building, qu'on aperçoit quand même en arrière-plan). Le climax du film a bien lieu au sommet du World Trade Center, excellente nouvelle idée du film, mais les deux tours sont séparées de 60 mètres, quand Kong ne mesure "que" 18 mètres de haut. Et dans le film, Kong va sauter d'une tour à l'autre, dans un bond désespéré formidable (mais un plan assez raté), quand il lui suffirait de faire un pas de côté sur l'affiche.